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Madagascar: Le Colonel Randrianirina sous pression politique ? La Gen Z écartée des discussions

Deux semaines après le début d’un vaste mouvement de protestation populaire à travers Madagascar, l’armée a pris le contrôle du pays. Le Colonel Michael Randrianirina, à la tête du puissant corps militaire du CAPSAT, est désormais le visage du pouvoir que beaucoup considèrent comme le fruit d’une mobilisation citoyenne menée par la jeunesse malgache, notamment le groupe baptisé la Gen Z.

Mais derrière ce changement de régime, des voix s’élèvent déjà pour dénoncer une récupération politique et une marginalisation des jeunes, pourtant à l’origine du soulèvement. Le 15 octobre, dans une déclaration devant le palais présidentiel, le Colonel Randrianirina annonçait la dissolution du Sénat et la mise en place prochaine d’un Conseil de transition composé d’officiers de l’armée et de la gendarmerie. « Nous laissons travailler l’Assemblée nationale », a-t-il déclaré, tout en assurant vouloir garantir la stabilité du pays. Cependant, selon plusieurs observateurs locaux, ce conseil militaire serait déjà infiltré par des figures politiques de l’ancien régime et de l’opposition, parmi lesquelles Rolland Ratsiraka, le vice-président de l’Assemblée nationale, ainsi que d’anciens ministres. Une présence qui inquiète les jeunes activistes, persuadés que le Colonel agit sous la pression de certains opposants politiques cherchant à profiter du chaos pour reprendre la main. “Nous sentons déjà une tentative de récupération. Les discussions ne se passent pas comme nous l’avions imaginé,”  confie Sariaka Senecal, figure de la Gen Z a Madagascar. “Nous avons mené ce mouvement, mais aujourd’hui, nous sommes à peine consultés”.

Les jeunes Malgaches, réunis sous la bannière de la Gen Z, ont été le fer de lance des manifestations qui ont paralysé le pays depuis la fin septembre. Face à la crise économique, aux pénuries d’eau et d’électricité, et à la répression politique, ils réclamaient une refondation du système et un retour du pouvoir au peuple. Leur mouvement pacifique a gagné l’appui du CAPSAT, permettant la chute du président Andry Rajoelina, destitué par l’Assemblée nationale pour “incapacité à maintenir l’unité nationale”. Mais alors que Rajoelina s’est réfugié à Dubaï, selon RFI avec l’aide de la France, la Gen Z se retrouve aujourd’hui exclue des discussions autour de la transition politique. Aucun de ses représentants n’a été intégré au sein de la base du CAPSAT ni du futur Conseil national de transition. “Il n’y a pas de représentant de la Gen Z actuellement dans la base militaire, et c’est ce qui est inquiétant”, note la journaliste Gaelle Borgia… “Ce mouvement pourrait être dépossédé de sa propre victoire”.

Le Colonel Randrianirina a promis un gouvernement de transition de 24 mois renouvelable, censé préparer le terrain pour de nouvelles élections. Toutefois, la composition du futur conseil et la proximité du Colonel avec certains politiciens laissent planer le doute sur son indépendance. Selon plusieurs sources à Antananarivo, d’anciens cadres du parti TIM et des figures de l’opposition se seraient déjà positionnés autour du CAPSAT, cherchant à influencer les décisions du nouveau pouvoir militaire. La présence remarquée de Marc Ravalomanana, ancien président, aux coter du CAPSAT, a renforcé ces suspicions. Le mouvement a immédiatement mis en garde le Colonel Randrianirina contre “toute tentative de récupération politique.”

Si la chute du régime Rajoelina symbolise un tournant historique pour Madagascar, l’avenir reste incertain. Les jeunes qui ont mené la contestation craignent que leurs revendications (plus de justice sociale, de transparence et de démocratie participative) soient reléguées au second plan. “Nous avons uni le peuple, mais nous ne sommes pas encore entendus”, souligne Senecal. 

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